Les pères Patrick Goujon et Jean-Luc Souveton ont tous deux été agressés par des prêtres dans leur jeunesse. Ils sont pourtant devenus prêtres eux-mêmes et restent attachés à l’Église. Qu’espèrent-ils aujourd’hui de l’assemblée des évêques de France qui se tient à Lourdes ?
Père Patrick Goujon, jésuite
Père Jean-Luc Souveton, prêtre du diocèse de Saint-Étienne
Vous avez été victimes de prêtres pédocriminels dans l’enfance ou l’adolescence. Et pourtant, vous êtes vous-mêmes devenus prêtres. N’avez-vous jamais pensé à quitter l’Église ?
Père Patrick Goujon : J’ai eu une amnésie traumatique pendant quarante ans. Quand le souvenir de mes agressions est revenu, j’ai revisité les raisons pour lesquelles je suis prêtre. Mais la question ne s’est pas posée de « rester dans l’Église » à ce moment-là. En revanche, à l’adolescence, je me l’étais posée car j’étais déjà très mal à l’aise avec le rapport au pouvoir dans l’Église. J’en avais alors découvert une autre vision en lisant les textes de Vatican II. Elle correspondait à la réalité ordinaire de ce que je vivais à Verdun (Meuse) dans la vie paroissiale et diocésaine au milieu des années 1980. La suite a été plus compliquée pour moi en raison du durcissement de l’Église. Je me souviens du discours de Jean-Paul II sur la morale sexuelle à Strasbourg en 1988, des applaudissements alors que la plupart des jeunes présents vivaient le contraire. Choqué, je me suis dit : « Tout le monde joue et la vérité n’est nulle part. » Aujourd’hui, ce rapport faussé à la vérité dans l’Église éclate. Cela ne me donne pas envie de la quitter, mais de réformer notre rapport à la vérité.