Le collectif “Agir pour notre Église” était-il représenté dans les 9 groupes de travail qui ont présenté leur conclusion à l’assemblée plénière des évêques de France du printemps 2023 ?
Parmi la centaine de participants aux groupes de travail (GT), cinq faisaient aussi partie du collectif “Agir pour notre Église” (APNÉ). C’est un engagement important et une grande responsabilité qu’ils ont accepté de prendre, mais il faut rappeler qu’aucun membre n’était là pour représenter un quelconque groupement, association, collectif ou corps – même pas les évêques : les membres n’étaient pas choisis pour représenter qui que ce soit, mais pour travailler ensemble et mettre leurs compétences au service de l’analyse et de la recherche de solutions.
Comment expliquer que des membres du collectif aient participé à cette démarche ?
Notre collectif s’est créé spontanément en agrégeant des bonnes volontés qui voulaient dépasser la sidération provoquée par le rapport de la CIASE, en proposant des outils d’action et de prévention à tous les catholiques de bonne volonté et en travaillant avec l’Église et les évêques à mieux lutter contre les violences sexuelles en son sein. Il était donc tout naturel que, sollicités dans le cadre d’une démarche qui correspondait parfaitement à cet objectif, les volontaires du collectif répondent favorablement.
Comment expliquer, alors, qu’autant de membres du collectif aient été sollicités ?
Il faut d’abord préciser que seuls 5 membres du collectif faisaient partie des groupes de travail, sur 110 personnes travaillant dans ces groupes (plus 3 autres ayant rejoint plus tard l’équipe de coordination, voir question 5). Sur le pourquoi, il faudrait poser la question à la Conférence des évêques et à ceux qui l’ont aidée à constituer les groupes. On peut toutefois imaginer que la convergence entre les deux démarches ait facilité la propension des organisateurs à puiser, consciemment ou non, dans le vivier de bonnes volontés d’APNÉ. Il faut se représenter le défi que constituait, pour la Conférence, la nécessité de réunir rapidement des personnes présentant des compétences aussi diverses et prêtes à mettre autant de temps au service demandé. D’autant qu’au bout du compte, ces personnes étaient en général déjà très fortement engagées dans l’Église et que la part des actifs, moins libres de leur temps que les retraités, était significative au sein des GT.
Ce processus de sélection n’était-il pas trop opaque ?
Nous pensons en effet que la démarche aurait sans doute gagné en clarté si la CEF avait fait le choix de communiquer davantage et plus précisément sur la manière dont les groupes allaient être composés et sur leur fonctionnement interne.
Il faut toutefois souligner la cohérence de la communication de la Conférence, et s’accorder à dire que les membres des GT n’ont d’autres légitimité que celle qui leur a été confiée par les évêques, qui sont les seuls à qui ils rendent des comptes, et qui sont les seuls décisionnaires. Finalement, la légitimité des propositions retenues reposera uniquement sur le vote des évêques, ce que le collectif APNÉ et, à notre connaissance, la plupart des membres des GT, ont toujours respecté, défendu et trouvé légitime.
Qui étaient, plus concrètement, les cinq membres des GT faisant aussi partie d’Agir pour notre Église ?
- Dans le GT2 consacré à la confession et à l’accompagnement spirituel, une femme laïque d’une vingtaine d’années recrutée pour ses compétences juridiques.
- Dans le GT4 consacré au discernement vocationnel et à la formation des futurs prêtres, une femme laïque trentenaire recrutée pour ses compétences d’enseignante et de formatrice.
- Dans le GT6 consacré à l’accompagnement du ministère des prêtres, une femme laïque trentenaire recrutée pour son expérience d’engagement dans le scoutisme et sa formation en théologie.
- Dans le GT8 consacré à l’analyse des causes des abus, un homme laïc trentenaire recruté en particulier pour son expertise en gestion des risques et statistiques, et un homme laïc trentenaire, concerné intimement par les violences sexuelles en Église, également recruté pour le travail de documentation et de rédaction qu’il avait déjà mis au service de la CEF lors de la réception du rapport de la CIASE.
Trois autres membres ont rejoint à partir du mois de mai 2022 un groupe de relecteurs avec pour objet de relire les rapports des neuf groupes de travail et de proposer des corrections de style ou de forme.
Les GT étaient-ils représentatifs de l’ensemble des catholiques de France ?
À notre connaissance, il n’y avait pas de recherche de représentativité au sens purement statistique du terme : a priori, l’objectif de la démarche n’était pas en soi d’introduire de la démocratie dans le fonctionnement ecclésial, et la seule légitimité mobilisée in fine dans la prise de décision a été celle des successeurs des apôtres.
Il semblerait toutefois que les organisateurs aient cherché à n’ignorer aucune sensibilité : en tout cas, c’est le résultat produit. En allant à la rencontre des autres membres des GT à Lourdes, nous avons pu constater leur grande diversité, tant en âge qu’en état de vie, avec autant d’hommes que de femmes, et avec des sensibilités très variées.
Autre aspect essentiel de la constitution des groupes : ceux-ci devaient normalement tous compter une personne victime parmi leurs membres. Et cela a effectivement été le cas, sauf pour le GT4, car aucune personne victime ne se serait proposée pour ce thème, d’après les organisateurs de la CEF. Le savoir expérientiel de ces personnes avait été déjà une source d’enseignements fondateurs pour le rapport de la CIASE. Il avait donc été décidé que les GT qui lui feraient suite bénéficieraient eux aussi de leurs éclairages nécessaires.
Finalement, le seul prérequis était sans doute le suivant : une volonté forte d’aider l’Église à affronter le problème systémique des abus, et accepter de consacrer une beaucoup de temps et d’énergie à une telle cause, en sacrifiant congés, temps libre et moments familiaux.
Y-a-t-il eu une coordination parallèle des différents membres des GT au sein du collectif ?
Non. Durant toute cette année, pour des raisons matérielles, la plupart des travaux propres au collectif ont été réalisés par des personnes ne faisant pas partie des GT, et les personnes engagées dans les GT ont strictement respecté la confidentialité du travail de leur groupe.
Au vu de certaines propositions, n’y avait-il pas dans les GT un agenda “progressiste” ?
La manière dont cette question a émergé dans le débat est assez étonnante. La crainte du progressisme vient sans doute du fait que le débat a initialement reposé sur une présentation biaisée des propositions. En effet, parmi la soixantaine de propositions, une journaliste a choisi d’en mettre deux en exergue : les plus susceptibles de faire le buzz, mais sans doute pas les plus représentatives du travail d’ensemble.
Ces deux propositions ne faisaient pas l’unanimité dans le groupe, y compris parmi les membres d’APNÉ. Non pas parce que ces derniers ne pensaient que les propositions n’étaient pas formulées pour répondre à des problèmes bien identifiés, mais parce qu’ils estimaient que ce n’étaient pas les meilleures réponses à ces problèmes.
Ils ont donc été assez peinés par l’absurdité de cette polémique, qui trouve ses sources dans une présentation journalistique faussée et, peut-être, dans une communication mal maîtrisée.
Au sein de votre collectif, quel est le retour d’expérience des anciens membres des GT sur le fonctionnement de ces derniers ?
Les modes de fonctionnement des groupes étaient très différents les uns des autres, car les pilotes avaient une totale liberté et une totale indépendance dans leurs choix de membres comme dans leurs choix organisationnels. Mais chacun et chacune peut témoigner de la grande qualité d’écoute, du respect et de la fraternité qui ont régné durant ces mois de travail acharné.
La redécouverte de l’infinie diversité et richesse de l’Église est également un motif d’émerveillement. Et chacun pourra constater que les secousses liées aux scandales de l’automne 2022 n’ont provoqué le départ d’aucun membre de groupe mais les ont au contraire conforté dans l’importance et l’urgence de leur tâche, ce qui manifeste combien le souci du bien de notre Église dépassait tous les clivages, tendances ou programmes.
Au sein de votre collectif, quel est le retour d’expérience des anciens membres des GT sur la rencontre avec les évêques à Lourdes ?
L’expérience a été vécue positivement : la majorité des évêques ont “joué le jeu”, beaucoup d’entre eux ont permis d’avoir des échanges sincères et rigoureux. De plus, ils ont pour la plupart manifesté une admiration qui semblait sincère pour la qualité du travail mené.
La technique, pourtant simple et efficace, mais qui a pu être moquée, du système des gommettes a permis une grande agilité dans le travail afin de se concentrer sur les propositions qui ne faisaient pas l’unanimité et appelaient une reformulation, qui a été réalisée avec les évêques eux-mêmes.
Nous ne savons rien encore de l’issue du vote qui s’est tenu en huis-clos jeudi 30 mars après-midi, mais même si nous espérons qu’un maximum des 60 propositions seront votées, nous restons assez lucides sur l’écart qu’il pourra y avoir dans un premier temps entre une sincère volonté d’agir et une mise en œuvre qui sera elle peut-être autrement plus compliquée. Néanmoins, au cours des échanges, nous avons pu également percevoir de réelles prises de conscience et conversions, que ce soit à la démarche ou à certaines propositions concrètes, qui montrent la sincérité globale des évêques. Cela nous laisse espérer des changements quelle que soit l’issue des votes.
Cependant, nous croyons que ce qui s’est joué pendant ces deux jours, fruit d’une année de labeur, peut ouvrir la voie à une autre façon de travailler ensemble et de faire Église. Nous pouvons aussi porter l’espoir que cela incitera les évêques dans leur diocèse à œuvrer avec davantage de collégialité, en s’appuyant sur toute l’aide que le peuple de Dieu est prêt à leur apporter.