Pourquoi et comment réformer l’Église catholique ?
En quoi le rapport est-il révélateur de problèmes profonds qui dépassent le sujet de la pédocriminalité ?
Le rapport de la CIASE liste dans les recommandations 1, 2 et 12 à 15 différents domaines où l’état de l’organisation de l’Église a favorisé l’inaction et a donc permis que de nombreux crimes soient perpétrés. Par exemple, l’inexistence de cellules d’écoute de victimes à l’échelon diocésain, ou leur fonctionnement non satisfaisant et sans réelle supervision, ou encore l’absence dans l’Église d’une démarche d’audit permanent, de nos jours commune dans toutes les organisations d’une certaine taille, et qui permet de s’assurer de la qualité du service que l’on fournit.
Plus profondément, ces failles révèlent des problèmes dans l’exercice du pouvoir, et donc dans la façon dont l’épiscopat et le sacerdoce sont conçus, rendant les clercs dépositaires d’un pouvoir auquel aucun contre-pouvoir ne vient répondre (qu’il s’agisse d’équilibrer le pouvoir par un partage plus large des tâches, ou bien d’une démarche d’audit qui assure un « droit de regard » et une plus grande transparence dans la gestion.) Outre des évolutions théologiques ou canoniques, la résolution de ces problèmes passera par un véritable « changement de culture ».
Peut-on réformer dans l’urgence ?
La précipitation serait évidemment mauvaise conseillère, et certaines évolutions possibles ou souhaitables supposeront une longue réflexion théologique afin de s’assurer que les changements proposés font l’objet d’un consensus dans l’Église universelle et sont bien enracinés dans la Révélation (c’est-à-dire dans l’Écriture et dans la tradition). Certains sujets touchant à la gouvernance de l’Église font d’ailleurs l’objet du Synode sur la synodalité qui s’est ouvert à Rome en octobre 2021 et qui doit durer deux ans.
Il faut cela dit avoir conscience que tous les remèdes à apporter ne supposent pas une réflexion longue : par exemple, vérifier systématiquement les antécédents judiciaires de tout candidat au sacerdoce ou à la vie religieuse, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays suite à des révélations de nombreux cas d’abus sexuels, semble être une mesure de bon sens, décidable rapidement, et qui ne contrevient pas au droit canon ou à la théologie (si les vérifications sont menées sans indiscrétion). Urgence n’est donc pas précipitation, mais se prémunir contre l’urgence ne doit pas non plus conduire à l’inaction : il importe d’ouvrir rapidement les travaux pour organiser la réflexion et repérer les premières mesures que l’on peut mettre en place.
Demander des réformes fait-il de l’ombre aux victimes ?
L’écoute des victimes doit être la première préoccupation des responsables de l’Église comme celle des fidèles. En particulier, de nombreuses personnes victimes parlent pour la première fois, ou envisagent de le faire, depuis la publication du rapport de la CIASE : il est essentiel que toutes puissent être accueillies et écoutées.
Depuis que la voix des victimes se fait entendre, par la publication de livres ou par des associations et collectifs les représentant dans les années 2010, et particulièrement depuis la publication du rapport, les victimes demandent des gestes et des réformes aux responsables de l’Église. Comme l’ont souligné les membres de la CIASE, les personnes victimes ont un savoir lié à leur expérience qui est précieux, et plusieurs d’entre elles souhaitent être associées aux réflexions.
Les constats de la CIASE engagent l’Église toute entière, c’est-à-dire chacun de ses membres. Nous souhaitons que l’expérience des personnes victimes soit entendue le plus largement possible, et qu’elle soit à la fois la porte d’entrée et la ligne de conduite des réformes que l’Église devra mener.
Y a t-il une instrumentalisation du rapport pour exiger des réformes qui n’ont rien à voir ?
Le constat mis à jour par les travaux de la CIASE montre clairement que de profonds changements sont nécessaires dans tous les domaines qui touchent à l’Église catholique en France.
Chacun selon sa sensibilité et son histoire peut être plus sensible à une thématique et moins à une autre. Nous pouvons nous réjouir que de nombreuses personnes aux profils variés et complémentaires souhaitent faire progresser l’Église afin qu’elle devienne « une maison sûre ».
Deux critères peuvent nous aider à discerner le bien fondé d’une initiative : la place des victimes dans la conception et la réalisation de la démarche, et la cohérence avec les recommandations issues du rapport qui constituent une base solide de réflexion.
Peut on prendre le risque d’une division des catholiques ? Nos dissensions internes doivent réjouir le diable…
Si l’on devait chercher où se trouve l’œuvre du Satan, il faudrait regarder du côté des abuseurs et de ceux qui ont dissimulés les crimes. Ils ont bien risqué une division de l’Église par leurs actes et leur silence et ont ainsi provoqué une perte de confiance de fidèles envers leurs pasteurs.
Refuser de voir et de saisir la réalité de la situation consisterait à nier la souffrance des victimes et à potentiellement produire de nouvelles victimes. Le peuple de Dieu doit chercher l’unité, faire front face à l’horreur des crimes sexuels. Derrière ses pasteurs, il espère voir surgir les réformes qui pourront lui faire dire « plus jamais cela ».
L’Église fait le Bien dans beaucoup de domaines : le focus sur la pédocriminalité risque de tout décrédibiliser…
La conviction des évêques ayant commandité le rapport ainsi que des membres de la CIASE est qu’il est nécessaire de faire la lumière sur ce qui s’est passé. Fidèle à la parole du Christ affirmant dans l’Évangile selon saint Jean « la vérité vous rendra libre » (Jn 8, 32), nous devons aux victimes la reconnaissance de ce qui leur est arrivé, nous devons comprendre ce qui s’est passé et résoudre les problèmes structurels ayant conduit à ces abus.
Ce travail de vérité doit passer avant nos inquiétudes sur la crédibilité de l’Église, d’autant que le sujet de la pédocriminalité est déjà largement associé à l’opinion des Français sur l’Église catholique.
Sr Véronique Margron (présidente de la Corref) et Jean-Marc Sauvé le soulignaient lors de la conférence de presse de remise du rapport : l’Église qui doit servir les plus petits a fauté, et c’est une faute d’autant plus grande que le rôle de l’Église est de mener au Christ. Notre espérance doit désormais être à la fois de retrouver ce rôle au service de l’humanité d’une part et de témoigner de la façon dont nous avons su réformer ce qui devait l’être.
Comment réformer la gouvernance de l’Église ?
L’Église n’est pas un lieu de pouvoir mais un lieu de service
Le pape porte depuis l’époque de Grégoire Ier (590-604) le titre de « serviteur des serviteurs de Dieu ». À tous les échelons de responsabilité, l’autorité dans l’Église est traditionnellement présentée comme un service et non pas comme un pouvoir exercé sur les fidèles. Il ne devrait donc pas être très difficile de partager ce qui est vu comme un service avec celles et ceux qui veulent s’associer pour servir. Le fait que ce ne soit pas le cas dit suffisamment que ce n’est pas seulement un service. Il y a de bonnes raisons à cela, notamment le fait que le pouvoir de juridiction et de gouvernement dans l’Église soit rattaché au sacrement de l’ordre. Il nous reste donc à trouver des modalités nouvelles afin que l’autorité soit vraiment exercée comme un service avec celles et ceux qui le souhaitent et que l’Église appellera à exercer ce service. Le pape François donne déjà des signes que c’est possible, en nommant par exemple des religieuses ou des laïcs à des postes de responsabilité autrefois occupés systématiquement par un évêque ou un cardinal.
Suffirait-il de réformer ce qu’est un prêtre ?
Faut-il autoriser le mariage des prêtres ?
Si le mariage était la solution, on ne devrait pas trouver de pédocriminalité en milieu familial, or c’est le premier lieu où les abus sexuels sur mineurs ont lieu. Par ailleurs, faire de la femme le réceptacle d’une possible violence sexuelle d’un homme, c’est une curieuse vision de son rôle, de sa valeur et de sa dignité. La question du mariage des prêtres mérite peut-être d’être évoquée et débattue, mais certainement pas sous le seul angle de la réponse à la pédocriminalité.
Il est en revanche certain que les prêtres (en particulier diocésains, à la différence des religieux vivant en communauté) peuvent être affectés par une forme de solitude, parfois doublée d’un épuisement lorsque les charges se multiplient ou que les paroisses regroupent de plus en plus de clochers. Une réflexion plus large (et systémique) sur le rôle du prêtre et son mode de vie au service du Peuple de Dieu semble donc nécessaire.
Pourquoi parle t-on de cléricalisme ?
A l’origine, le terme « cléricalisme » désigne une idéologie souhaitant mettre en avant les idées religieuses ainsi que les clercs dans la vie politique et publique. Avant tout historique, ce terme désigne une réalité dans la période allant de l’Ancien régime jusqu’à la fin du XIXe siècle, période durant laquelle cette idéologie est le fait d’un groupe dominant dans la société et d’une religion d’État, le catholicisme.
Par extension, on emploie le terme cléricalisme pour parler d’attitudes mettant systématiquement en avant le clerc. Par sa vocation et son mode de vie, le prêtre aurait fait un sacrifice le plaçant au-dessus du reste de la société et des contingences matérielles qui sont le lot des citoyens ou baptisés non-clercs. Cette manière de définir le prêtre a pu donner lieu à des abus de pouvoir et d’autorité ainsi qu’à une volonté de garder le silence pour ne pas salir la fonction du clerc.
Être contre une forme de toute-puissance et d’impunité des clercs n’est pas être anticlérical, c’est désirer une juste proportion et relation entre le clerc et les laïcs. Entre le cléricalisme et l’anticléricalisme, il y a de l’espace pour une juste place du prêtre dans la vie des croyants où il peut être respecté sans être mis sur un piédestal, écouté sans peur de le contredire, suivi sans perdre son esprit critique.
Quelle place pour les laïcs et laïques dans l’Église ?
Pourquoi dire que l’ensemble des croyants est concerné ?
Si notre héritage commun de baptisés, membres du corps du Christ, c’est l’Évangile et la présence salvifique du Christ au cœur du monde, alors ces crimes épouvantables où l’Évangile a été nié, où le Christ a été bafoué, et où, dans les victimes, l’image de Dieu a été souillée, tout cela doit provoquer un sursaut de notre cœur et le désir que cela ne se reproduise pas. Par ailleurs, vu les chiffres du rapport, il est fort probable que, sans le savoir, nous connaissions une ou plusieurs victimes, qui n’ont peut-être jamais parlé de ce qu’elles ont subi, ou qui ne sont peut-être plus là pour le dire. Le souci de notre prochain doit donc nous pousser à nous sentir concernés par ces révélations.
Il y a des agresseurs laïcs : cela ne changerait rien aux abus de mettre plus de laïcs en responsabilité ?
Les laïcs en responsabilité ne font pas autant partie de l’institution que les prêtres, ils n’ont pas non plus reçu de sacrement d’ordre qui a pu parfois conduire l’entourage des victimes du clergé à ne pas les croire ou à dissimuler les agressions (ce qu’on appelle le cléricalisme). Ils viennent d’horizons plus divers que les clercs (formés dans les séminaires), on peut supposer un plus faible esprit de corps conduisant à cette dissimulation.
Enfin dans tous les cas le rapport à l’autorité constitué ne doit pas être absolu, de nombreux travaux (à commencer par ceux de Milgram dans les années 50) ayant montré la capacité de l’autorité à faire accepter à des individus des comportements qu’ils n’auraient jamais acceptés en dehors.
Les laïcs n’ont pas non plus de statut « à vie » dans le diocèse : les mécanismes d’emploi, de jugement canonique sont différents.
C’est bien un problème systémique auquel il faut apporter des réponses, dans la posture et les engagements de toutes les parties prenantes : clergé, laïcs et laïques en responsabilité, fidèles.
Certains laïcs ont un agenda politique et veulent saper l’autorité des clercs !
Une plus grande place pour les laïcs peut également passer par une formation spécifique à leur mission. C’est déjà le cas dans certains diocèses et paroisses où les laïcs sont investis de services dévolus aux clercs (service de l’autel, communion, catéchisme poussé) en contrepartie d’une formation en théologie.
Non, donner plus de voix et de missions aux laïcs ne revient pas à saper l’autorité des clercs mais permet un équilibre, et de faire remonter les problèmes et les interrogations plus aisément, dans le cadre d’une relation plus mûre entre clercs et laïcs.
L’Église est-elle sexiste ?
L’Église, notamment via le sacrement de l’ordre, prévoit des rôles spécifiquement dévolus aux hommes (le sacerdoce). Dans la théologie, les hommes et les femmes ont des rôles complémentaires et différents. En dehors de ces domaines il existe aussi de nombreux rôles traditionnellement dévolus à un genre ou à l’autre sans que rien n’empêche a priori une autre distribution (catéchèse, entretien de l’église, acolytat, lectorat). Il est donc objectivement justifié de dire que l’Église professe une distinction des genres (discrimination au sens original (mais non légal) du terme).
Savoir si l’Église est sexiste est une question plus complexe selon la vision qu’on a de la société (égalité absolue des hommes et des femmes ou complémentarité équilibrée dans la différence), selon qu’on considère les seuls textes régissant l’Église, les différentes manières dans le monde d’appliquer ces textes, ou bien spécifiquement la réalité du contexte français.
Que veut dire donner plus de place aux femmes ?
Commençons par faire la distinction entre souhaiter une plus grande participation des femmes dans l’Église et demander l’ordination de femmes : le sujet est moins caricatural !
De nombreuses missions sont confiées aux prêtres, nous sommes donc habitués à voir encore plus d’hommes en responsabilité dans les missions ecclésiales que dans la vie civile.
Dans les nombreuses missions qui peuvent être confiées aux laïcs, il convient de se poser la question d’en réserver certaines aux hommes : y a t-il une raison intrinsèque à cela, ou est-ce parce que nous calquons plus ou moins consciemment notre image du prêtre ?
Au-delà des rôles qui sont souvent genrés pour diverses raisons culturelles, il est important de rappeler jusque dans nos organisations l’égale dignité de tous les croyants… et les croyantes. Ne serait-il pas bien dommage de se priver de l’intelligence et des compétences de la moitié du peuple de Dieu ?
Ce que montre le rapport aurait-il un lien avec l’homosexualité ?
Y a t-il un lien entre homosexualité et pédocriminalité ?
Si ce lien était systématique, on ne devrait pas trouver d’actes pédocriminels chez les hommes mariés à une femme : or, la famille est le premier lieu où des actes criminels sont accomplis, dans une très large proportion par un père de famille sur des filles.
Le pédocriminel n’est pas attiré par le sexe de l’enfant ou adolescent, garçon ou fille, qu’il maltraite, mais sa pulsion le pousse vers la jeunesse d’un corps perçu comme objet, indépendamment de la sexuation de ce corps, selon le constat largement partagé par les psychiatres et psychologues, et confirmé par des études se concentrant sur le ressenti des agresseurs pédocriminels. Il n’est donc jamais question, en droit comme en médecine, de « pédocriminalité homosexuelle » ou de « pédocriminalité hétérosexuelle », et on ne peut pas lier pédocriminalité et homosexualité.
Pour aller plus loin : https://www.la-croix.com/Debats/pedocriminalite-clerge-nest-pas-specifiquement-homosexuelle-2021-11-02-1201183230
Pourquoi la proportion de garçons victimes est-elle plus importante que dans le reste de la société ?
Le rapport de la CIASE, aux §0327 et suivants et §0336, à l’unisson d’autres travaux sur ce sujet, évoque deux séries de raisons : les premières ont trait à la formation d’une partie du clergé jusque dans les années 60 dans le cadre de petits séminaires et d’environnements quasi-exclusivement masculins, qui ont pu induire un développement psycho-affectif incomplet, une forme d’immaturité liée à des expériences adolescentes et à un vécu entre garçons, doublée d’un enseignement moral négatif au sujet de la féminité et des relations homme-femme en-dehors du mariage.
L’autre série de raisons a trait aux opportunités de rencontre entre prêtres et enfants et adolescents de sexe masculin : il y a de manière générale plus d’internats pour garçons dans l’enseignement privé, et les prêtres étaient et sont encore plus fréquemment au contact de garçons que de filles dans leurs ministères, ce qui augmente mécaniquement les chances de passage à l’acte avec des garçons plutôt qu’avec des filles.
Pour aller plus loin : https://www.la-croix.com/Debats/pedocriminalite-clerge-nest-pas-specifiquement-homosexuelle-2021-11-02-1201183230
Qu’en est-il du secret de la confession ?
Qu’est ce que le secret de la confession?
Le secret de confession est défini dans le Code de Droit Canonique aux nº 983 et 984. Ce secret couvre, en première approche, tout ce que le pénitent peut dire au prêtre dans le cadre de la célébration du sacrement, et il interdit au prêtre l’utilisation des connaissances acquises en confession, qui portent préjudice au pénitent, même sans risque d’indiscrétion. Ce secret est valable que le prêtre ait donné l’absolution ou non, et il va même jusqu’à interdire au prêtre de se souvenir volontairement du contenu d’une confession entendue, ou d’évoquer de nouveau avec un pénitent des éléments que ce dernier aurait pu lui confier au cours d’une confession antérieure. Cette approche s’appuie sur le fait que, dans le sacrement, le prêtre n’agit pas en tant qu’homme mais à la place de Dieu, au point qu’il « ignore » simplement ce qui lui a été dit en confession, parce qu’il ne l’a pas écouté en tant qu’homme, mais précisément au nom de Dieu. Le prêtre pourrait même jurer, sans aucun préjudice pour sa conscience, « ne pas savoir » ce qu’il sait seulement en tant que ministre de Dieu.
Que dit la loi civile ?
En matière d’abus (pas seulement sexuels), le principe fixé par la Loi au 434-5 du Code Pénal est une obligation de dénonciation.
Cependant cet article exonère de cette obligation les personnes astreintes au secret professionnel dans les conditions de l’article 226-13 de ce même code pénal, et le secret de la confession est reconnu par le droit comme un secret professionnel. Il faut même noter que ce secret professionnel reconnu par le droit est plus large que le pure secret de la confession car il peut couvrir toutes les informations reçues dans le cadre pastoral.
La loi permet, mais n’impose pas, de s’affranchir du secret professionnel de l’article 226-13 par l’exception de l’article 226-14 de sorte qu’un professionnel (donc un prêtre) ne puisse pas être poursuivi pénalement pour violation du secret professionnel s’il dénonce des faits commis sur un mineur ou sur une personne n’étant pas en mesure de se protéger. La loi pénale permet donc de dénoncer des faits reçus en confession (sous certaines conditions) mais ne l’impose en aucun cas.
C’est donc dans le droit canonique qu’il faut chercher l’interdiction absolue faite aux prêtres de dénoncer des faits appris sous le sceau de la confession.
Secret professionnel : Article 226-13 du Code pénal (mais dérogations dans l’Article 226-14)
Obligation de dénonciation : Article 434-3 du Code Pénal
Que dit l’Église ?
L’Église est très attachée au secret de confession, considéré comme une conséquence naturelle de l’institution du sacrement de réconciliation par le Christ lui-même. Un prêtre violant le secret de confession s’expose à une excommunication latae sententiae, c’est-à-dire automatique.
Si le cas de l’agresseur qui confesse son crime est rare, il n’en est pas de même du cas de la victime qui peut trouver dans la confession un espace d’écoute où raconter ce qu’elle a subi : le secret de confession s’applique néanmoins avec la même force dans ce cas-là. Il appartient alors au prêtre de maintenir le lien de confiance afin que la conversation avec la victime puisse se poursuivre en-dehors du cadre sacramentel, ce qui permet alors d’envisager des suites à la conversation (signalement, accompagnement, etc.) C’est ainsi que dans une note de la CEF du 8 décembre 2020. les évêques exhortent le confesseur à « donner au pénitent, victime ou témoin, des ressources pour recevoir la protection dont il a besoin ou l’encourager à se dénoncer s’il est auteur de crime. Il doit connaître et diffuser les numéros d’aide aux mineurs, 119, et aux adultes, 3919. […] Tout en respectant le secret de la confession et en raison de son caractère absolu, le confesseur devra tenter de convaincre le pénitent de faire part de son information par d’autres voies, afin de permettre à qui de droit d’agir ».
Que disent les recommandations de la CIASE ?
Recommandation 8 :
Dans tout type de formation et de catéchèse, comme en pastorale, enseigner que le secret de la confession s’inscrit dans le seul temps du sacrement de pénitence ;
Relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable
Recommandation 43 :
Relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable.
Recommandation 45 :
Veiller à la cohérence entre l’aménagement des lieux de vie et d’activité des prêtres et religieux et l’impératif de vigilance, notamment : la séparation physique entre le prêtre et le fidèle pendant la confession.
Un prêtre peut-il refuser de donner l’absolution à un agresseur qui se confesse, ou soumettre l’absolution à ce qu’il se dénonce ?
L’absolution est soumise à l’aveu des péchés et à l’expression d’une contrition dont la sincérité doit être appréciée par le prêtre ministre du sacrement de réconciliation. En vertu du principe de droit selon lequel nul ne peut être tenu de s’auto-incriminer, il n’est pas possible à un prêtre de conditionner l’absolution à un acte de dénonciation du pénitent agresseur. Ce point a été très fermement rappelé par une note de juin 2019 émanant de la Pénitencerie Apostolique sur l’importance du for interne et l’inviolabilité du sceau sacramentel. Mais le document précise, immédiatement après avoir rappelé ce point, que « toutefois, la sincère contrition, ainsi que la ferme intention de s’amender et de ne pas réitérer le mal commis, appartiennent à la «structure» même du sacrement de Réconciliation, comme condition de validité. »