Peu avant la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église, Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, Noyon et Senlis (Oise), a envoyé une lettre d’excuses datée du 1er octobre à une vingtaine de victimes de son diocèse, dont celles du père Roger Matassoli, assassiné en 2019 par un jeune qu’il avait agressé.
Prêtre à Saint-Avertin, Pierre Fouquier, 30 ans, réagit au rapport de la Commission indépendante sur les abus dans l’Église et aux 330.000 victimes recensées.
L’onde de choc ne l’a pas épargné. Et il ne mâche pas ses mots. Pierre Fouquier, 30 ans, est prêtre depuis trois ans. Après avoir exercé à Joué-lès-Tours, il prêche désormais à Saint-Avertin. Mardi, il a scruté comme beaucoup les conclusions de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Elle révèle un nombre impressionnant de victimes depuis 1950 : 330.000. Et entre 2.900 et 3.200 prêtres ou religieux pédocriminels, soit 2,5 à 2,8 % de leur effectif total.
Mardi 5 octobre, une commission indépendante a rendu un rapport historique et accablant sur les violences sexuelles dans l’Eglise de France. Dans ce podcast, Cécile Chambraud, journaliste spécialiste des religions et de la laïcité au « Monde », détaille le contenu du rapport Sauvé.
C’est une déflagration pour l’Eglise catholique. Après deux ans et demi de travail et des milliers de témoignages recueillis partout en France, le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) est accablant. Depuis 1950, au moins 216 000 mineurs ont été victimes de violences sexuelles par des prêtres ou des religieux en France.
Quelles sont les autres révélations du rapport Sauvé ? Comment expliquer l’ampleur du phénomène ? Que doit faire l’Eglise pour changer les choses ? Dans cet épisode de « L’Heure du Monde », Cécile Chambraud, journaliste spécialiste des religions et de la laïcité au Monde,revient sur le travail inédit de cette commission et sur son rapport historique.
Pour Josselin Tricou, chercheur en science politique et études de genre, l’Eglise lie le pouvoir des ecclésiastiques à un contrôle strict de la sexualité au sein du sacerdoce. Ils se trouvent contraints de se taire s’ils ne se sentent pas conformes à la règle.
L’archevêque de Malte, secrétaire-adjoint de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi réagit à la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels commis au sein de l’Église de France.
Gilles Berceville est Dominicain, professeur de théologie à l’Institut Catholique de Paris.
Vous êtes un homme d’Église, théologien. Comment réagissez-vous devant les chiffres sidérants et effrayants dont le rapport Sauvé révèle l’ampleur ?
Gilles Berceville : « J’ai moi-même été auditionné par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). J’ai pu échanger avec des personnes qui avaient été auditionnées comme moi ou qui étaient membres de la Ciase. Donc je m’attendais à des résultats d’enquête effrayants. Je ne peux pas dire que ce soit pour moi une surprise, malheureusement. Mais ces chiffres reflètent une situation très grave qui s’est prolongée durant de nombreuses années avec un poids de souffrance énorme.
Ces résultats empêchent de développer une argumentation qu’on a trop souvent employée pour atténuer les choses dans l’Église. Ils montrent que l’Église catholique a été depuis 1950 un terreau particulièrement propice aux abus. L’enquête montre qu’ils ont prospéré avec une importance qui était moindre dans d’autres secteurs comme l’éducation ou le sport. J’éprouve un sentiment d’accablement et de honte que l’on porte collectivement : je parle des prêtres et de l’Église catholique tout entière. En même temps j’ai une certaine espérance qu’une situation dévoyée puisse après cet effort de vérité changer. »
Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), rendu public mardi 5 octobre, évoque les manquements des cellules d’écoute des victimes. L’accueil des victimes nécessite une professionnalisation des écoutants et le recours à une structure indépendante.
Le rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église, qui révèle que 330 000 mineurs ont été agressés par des clercs, des religieux et des laïcs depuis 1950, pose une nouvelle fois la question de la parole au sein des familles sur ce sujet sensible et douloureux.
Deux anciens prêtres du diocèse d’Orléans, l’un condamné par la justice, l’autre en attente de son procès pour agressions sexuelles sur mineurs, viennent d’être reconduits à l’état laïc à leur demande.
« La lecture de ces témoignages est terrible, elle requiert du temps tant la première lecture est magnétisée par les faits dramatiques »écrit le rapport de la Commission Sauvé, dans son avant-propos. 216 000 mineurs ont été victimes d’agressions sexuelles ou de viols par des religieux ou des religieuses depuis 1950, selon les conclusions du CIASE. Dans ces témoignages « une vie toute entière se dit ». Ce sont des courriers, des messages reçus par mails, des poèmes parfois. « Ces textes sont émouvants, criants de vérité et d’une extrême richesse : comment la restituer sans les réduire ? » note la Commission indépendante sur les abus sexuels de l’Église.